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Exploiter une entreprise agricole dans des endroits improbables

Établie à Ottawa, Growcer fabrique des fermes hydroponiques qui peuvent être exploitées aussi bien dans l’Arctique que dans un stationnement d’épicerie

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Alida Burke, The Growcer owner, surrounded by plants

Alida Burke, cofondatrice, Growcer

Alida Burke et Corey Ellis se trouvaient à Iqaluit, la capitale du Nunavut, pour une formation en entrepreneuriat de l’Université d’Ottawa en 2015 lorsqu’ils ont été surpris par les prix des laitues (6 $ l’unité) et du kilo de tomates (9 $) à l’épicerie locale.

Peut-être en raison des causes sociales et environnementales mises de l’avant par leur école de commerce, les deux étudiants ont perçu le transport des aliments vers des collectivités éloignées comme un défi commercial à relever.

«Les produits mettent beaucoup de temps à arriver sur les tablettes, ce qui les rend parfois inabordables pour le commun des mortels, explique Corey Ellis. De plus, les produits ne sont pas de très bonne qualité, car ils perdent une partie de leur fraîcheur et de leurs nutriments au cours du trajet.»

Vous ressentez un choc lorsque vous vous retrouvez dans le Nord du Canada pour la première fois. Vous voyez à quel point l’insécurité alimentaire y est répandue.

Une ferme qui s’adapte à tous les climats

C’est dans cette optique qu’Alida Burke et Corey Ellis ont lancé Growcer alors qu’ils étaient encore aux études. Leur entreprise fabrique des fermes intérieures qui sont logées dans des conteneurs de 40 pieds afin de cultiver des légumes, avec de l’eau riche en nutriments plutôt que de la terre. Ces fermes hydroponiques s’adaptent à tous les climats, y compris celui de la toundra gelée.

Ces solutions agricoles permettent de cultiver des produits dans des endroits qui ne conviennent pas à l’agriculture conventionnelle. Elles permettent aussi d’accroître le rendement de fermes établies.

Les fermes commerciales cultivent des dizaines de variétés de légumes à feuilles dans des installations au croisement du laboratoire et de la serre. Leur processus utilise 5 % de l’eau nécessaire à la culture du même légume en Californie ou en Arizona. Après six semaines, les productrices et producteurs peuvent nourrir jusqu’à 110 personnes par jour. Le réseau de fermes de Growcer a produit environ cinq millions de portions de légumes à ce jour (juin 2023).

Des groupes communautaires ont utilisé ces installations avec succès pour faire participer des jeunes à l’agriculture, offrir des occasions de réintégration à un plus grand nombre de personnes marginalisées et approvisionner leurs banques alimentaires en produits frais.

Quelques fermes sont installées dans des stationnements d’épiceries, où sont cultivés et récoltés des légumes, qui sont ensuite vendus directement dans les magasins.

Le monde agricole salue cette initiative, notamment les personnes qui subissent les aléas météorologiques et les conséquences des pertes liées aux accords commerciaux. C’est ainsi qu’un producteur laitier a rejoint Growcer afin de diversifier et de stabiliser ses activités à long terme. «Cela permet de gagner un peu plus et de maintenir la ferme dans la famille», explique Corey Ellis.

Une petite chaîne d’épicerie a acheté des conteneurs pour les installer juste à l’extérieur de ses magasins. Plutôt que d’acheminer par camion le chou frisé et les épinards de la Californie, le personnel des magasins s’approvisionne maintenant en légumes cultivés à même le stationnement.

«On les cultive, les récolte et les achemine directement au magasin», se félicite Corey Ellis, qui a constaté une réduction de prix de 50 % dans certaines collectivités. «En milieu urbain et rural, notre prix est établi en fonction de celui des produits biologiques.»

the growler, Corey Ellis dreamer

Corey Ellis, cofondateur, Growcer (photo fournie par Growcer)

Débuts de l’autofinancement

Alida Burke et Corey Ellis ont rapidement reçu du financement de BDC. Par ailleurs, ils ont financé eux-mêmes les activités pendant les six premières années. Pour limiter les risques, ils ont décidé d’attendre avant de fabriquer eux-mêmes les fermes modulaires.

«Nous avons trouvé une entreprise qui vendait déjà un produit que nous souhaitions développer. Nous avons alors conclu un contrat de licence», mentionne Corey Ellis.

Nous avons pu croître lentement, mais sûrement partout au Canada. Nous avons commencé dans des communautés éloignées et autochtones, et nous servons encore bon nombre de ces régions.

À mesure que les revenus augmentaient, l’entreprise a demandé à sa clientèle quelles étaient les améliorations qu’elle pouvait apporter. Elle a réuni des spécialistes de l’ingénierie et de la recherche afin de concevoir un produit complètement nouveau qui, entre autres, intégrait ces améliorations (comme l’adaptabilité aux pannes de courant).

Sa prudence financière a porté ses fruits: elle fabrique maintenant un produit original qui se démarque sur le marché.

Le succès de Dragons’ Den

Au cours de ces premiers temps de démarrage, quelques actionnaires bien en vue ont manifesté de l’intérêt pour Growcer. En 2019, l’émission «Dragons’ Den» (version canadienne anglaise de «Dans l’œil du dragon») de CBC a diffusé un épisode dans lequel Alida Burke et Corey Ellis ont présenté leur idée. Leur présentation ayant suscité beaucoup d’intérêt, ils ont convenu d’une entente avec Arlene Dickinson et Lane Merrifield, qui devaient payer 250 000 $ pour 30 % de l’entreprise.

Les cinq actionnaires vedettes ont complimenté la fondatrice et le fondateur, qui ont quitté le studio avec une entente en main.

Toutefois, ils l’ont respectueusement refusée une fois l’enregistrement terminé.

Avant de participer à l’émission, l’étudiante et l’étudiant de l’époque avaient déjà décidé qu’il était trop tôt dans leur parcours pour renoncer à autant de capitaux propres. «Nous voulions avoir l’occasion de participer à Dragons’ Den pour faire connaître notre nom», précise Corey Ellis, en admettant que cette apparition avait constitué une excellente occasion de marketing.

Recours à l’investissement providentiel

Trois ans plus tard, en 2022, Growcer s’étant bien développée, la fondatrice et le fondateur acceptaient enfin d’ouvrir l’entreprise à l’investissement, ce qui a suscité beaucoup d’intérêt.

L’entreprise, qui voulait faire baisser le prix des aliments dans le Nord, a connu une croissance très naturelle, pour ainsi dire, passant de licenciée d’un fabricant à une bien-aimée des investisseurs. C’est ainsi qu’elle comptabilise 25 anges financiers.

«Leur soutien nous permet de développer de nouveaux produits», ajoute Corey Ellis. L’entreprise prend de l’expansion dans le secteur de la fraise, qui exige des technologies différentes pour les fermes modulaires. Elle a également travaillé sur la complémentarité des fermes modulaires afin qu’une productrice ou un producteur puisse faire croître son entreprise au fil du temps.

L’un des défis pour l’entreprise réside dans le financement initial de toute personne intéressée, qui avoisine 300 000 $ pour chaque unité. Cet investissement s’avère difficile à classer, alors qu’il n’appartient à aucune des catégories traditionnelles que sont l’équipement agricole, la production alimentaire et l’équipement de pointe. Pour certaines institutions financières, cet investissement n’est pas aussi facile à comprendre qu’un prêt hypothécaire personnel. «Tout le monde sait ce qu’est une maison, contrairement aux fermes verticales», regrette Alida Burke.

À mesure que la technologie devient plus connue, cette aversion pour le risque devrait être atténuée.

Alida Burke est reconnaissante du soutien rapide que l’entreprise a reçu. «Il faut une communauté pour aider à bâtir une entreprise, et BDC en faisait partie. Beaucoup de gens et d’organisations de la région d’Ottawa, y compris l’Université d’Ottawa et Investir Ottawa, nous ont aidés.»

Corey Ellis affirme que leurs objectifs initiaux, qui étaient d’atténuer les pénuries alimentaires et de réduire le prix des aliments pour les collectivités éloignées, demeurent. «Nous nous sommes lancés dans cette aventure dans un esprit axé sur la mission, avec la volonté de résoudre un problème réel.»

Ils semblent être sur la bonne voie pour y arriver.

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