La recette du succès: produits verts et santé
À huit ans, Ruben a annoncé à ses parents qu’il ne mangerait plus de viande. Il n’en avait jamais vraiment été friand et toute la famille était déjà en mode réduction de sa consommation de viande.
«Nous cherchions des substituts de viande et cette décision de notre fils nous a encore plus motivés», raconte Jasmine Exael.
Parce que c’est bien beau d’éliminer la viande, mais elle et son conjoint, Sonel Merjuste, avaient le souci de préparer des repas sains et nutritifs à leurs enfants. Au cours de leurs recherches, un ami leur a parlé du tempeh, un aliment à base de fèves de soya fermentées originaire d’Indonésie.
«J’ai cuisiné un bloc de tempeh acheté en épicerie et ça n’a pas bien passé dans la famille, raconte-t-elle en riant. Le goût était très prononcé. Je me suis demandé si je l’avais mal préparé. J’ai essayé à nouveau et ce n’était pas vraiment mieux.»
Par contre, ses lectures sur le produit étaient sans équivoque: le tempeh est excellent d’un point de vue nutritionnel. C’est notamment une excellente source de protéines et de fer, bien plus d’ailleurs que le tofu, qui est fait à partir de lait de soya.
«Je me suis dit que la valeur nutritionnelle du tempeh était beaucoup trop intéressante pour que j’abandonne l’idée d’en cuisiner pour ma famille, se souvient Jasmine. Nous avons donc essayé de préparer notre propre tempeh. Après quelques essais-erreurs, nous sommes arrivés à un produit intéressant, que j’ai mariné. C’était bon, beaucoup plus que ce que j’avais acheté.»
De l’idée à la réalisation
C’est ainsi que Merjex est née en 2019. Toutefois, en raison de son processus de fermentation et du fait qu’il est encore plutôt méconnu au Canada, le tempeh n’est pas le produit le plus simple à fabriquer et à vendre.
«Mais vous savez, quitter son pays pour s’établir ailleurs afin d’offrir un meilleur avenir à ses enfants est ce qu’il y a de plus difficile. Tout le reste après est plus facile. Même s’il y a des défis que nous avons relevés en misant sur l’innovation», souligne Sonel qui a quitté Haïti avec Jasmine et leur fils aîné, Jason, pour s’installer à Montréal le 23 janvier 2008, au plus fort de l’hiver.
Sonel, qui avait une expérience de travail en gestion industrielle en Haïti et un baccalauréat en administration des affaires de HEC Montréal, a adapté ses compétences et ses connaissances au domaine alimentaire. «Et Jasmine est vraiment passionnée de cuisine, alors nous avons uni nos forces, ajoute-t-il. Nous l’avons fait d’abord pour l’amour de nos enfants.»
Le couple tenait aussi dès le départ à s’approvisionner localement et à obtenir une certification biologique.
De plus, il n’était pas question de prendre des raccourcis pour donner bon goût à leurs produits. «Nous n’ajoutons pas de sucre, très peu de gras et de sel pour avoir des produits vraiment bons pour la santé avec une liste d’ingrédients très simples, mais aussi très savoureux», affirme l’entrepreneur qui a installé son usine à Montréal-Nord pour tenter d’améliorer en même temps la réputation de ce quartier souvent dépeint négativement dans les médias.
Les efforts donnent des résultats: lors du Salon international de l’alimentation (SIAL Canada), leur tempeh haché a remporté le Grand Prix Argent SIAL Innovation 2022.
Bâtir un réseau de distribution
Le couple a aussi réussi à convaincre rapidement des chaînes de supermarchés du Québec comme Métro, IGA, Avril, Mayrand et Supermarché PA de faire de la place à ses produits, en plus de devenir le fournisseur de tempeh pour les restaurants véganes Copper Branch.
Le défi n’en demeure pas moins de mieux faire connaître le tempeh à la population. «Le Québec, c’est chez nous maintenant, alors c’est certain que nous voulons d’abord nous y ancrer et devenir un incontournable pour les familles québécoises, affirme l’entrepreneur. Mais avant la fin de 2023, nous attaquerons le marché du reste du Canada et d’ici 2025, celui des États-Unis.»
Le soutien à la diversité
Merjex est maintenant incubée au Groupe 3737, un organisme qui se consacre aux entrepreneures et entrepreneurs issus de la diversité ethnoculturelle. Depuis le démarrage de l’entreprise, le couple a obtenu beaucoup de soutien, notamment du Fonds de prêts pour l’entrepreneuriat des communautés noires offert par BDC et administré par la Federation of African Canadian Economics (FACE).
Le couple souhaite maintenant, en racontant son histoire, encourager d’autres entrepreneures et entrepreneurs de la diversité à se lancer en affaires. «Il faut continuer à mener le combat, mais les choses s’améliorent, affirme Sonel. Je crois fermement que lorsque ce sera au tour de mes enfants ou petits-enfants de se lancer en affaires, les biais appartiendront au passé.»