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Lettre économique mensuelle

Mars 2022
Article vedette

Comment la guerre en Ukraine affectera-t-elle l'économie du Canada

Après deux années de pandémie, et l’annonce de l’abolition complète des restrictions sanitaires dans les prochains mois, les entrepreneurs canadiens commençaient finalement à voir la lumière au bout du tunnel.

Voilà toutefois qu’une nouvelle source d’incertitude et d’inquiétude frappe l’économie mondiale: l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe. Au-delà de la tragédie humaine, de nombreux entrepreneurs se demandent comment cette guerre et les sanctions imposées se répercuteront sur l’économie canadienne et leurs entreprises.

Même si les relations commerciales entre le Canada et les deux pays impliqués sont limitées, une analyse attentive de la situation laisse croire qu’il y aura effectivement des effets négatifs et positifs pour l’économie canadienne.

Les clients touchés par les sanctions commerciales se tourneront-ils vers le Canada?

Les restrictions apportées au commerce international entre le Canada et la Russie auront peu d’effet direct sur l’économie du pays. Effectivement, les relations commerciales entre les deux pays sont trop faibles pour avoir un impact important. Le Canada exporte pour un peu plus de 600 millions de dollars par année vers la fédération russe, soit 0,1 % des 600 milliards d’exportations totales de marchandises du pays.

Évidemment, pour les quelques entreprises qui transigent avec la Russie, l’impact sera important et quasi-immédiat alors que le rouble a déjà reculé de 30 % par rapport au dollar canadien et encore davantage face au billet vert depuis l’éclatement du conflit.

Les pressions haussières sur le prix des matières premières sont parmi les premiers effets économiques notables de cette guerre. La Russie est un magnat de l’industrie énergétique mondial et d’une importance capitale pour l’Europe en particulier. L’empire du président Poutine fournit environ 40 % du gaz naturel du continent européen, plus de la moitié de son charbon et est aussi l’un de ses principaux fournisseurs de brut.

Au moment où le marché de l’énergie s’avérait déjà bien serré, l’invasion aura enflammé les prix du brut et du gaz naturel encore davantage. Le ralentissement attendu de la production de céréales et de métaux s’est aussi déjà reflété sur les marchés.

Bien que motivé par une situation horrible en Ukraine, ces hausses de prix pourraient s’avérer une aubaine pour le Canada dont la production de matières premières ressemble beaucoup à celle des Russes. Les entreprises agricoles et minières canadiennes pourraient donc s’emparer de parts de marché russe, s’il y a un embargo sur ces commodités, mais profitent déjà ultimement des hausses de prix issus de l’incertitude.

La pression sur les chaînes d'approvisionnement restera aigue

La pandémie et les réouvertures des économies qui s'en sont suivies ont engendré des déséquilibres importants entre l’offre et la demande mondiale. Cette situation aura mis sous pression les chaînes d’approvisionnement et en lumière des problèmes logistiques majeurs issus de la mondialisation. On le sait bien, ces déséquilibres se sont traduits en augmentation de prix jamais vu depuis des dizaines d’années.

Ceci dit, de récents indices annonçaient une amélioration des délais de livraison et un certain relâchement des tensions sur les chaînes d’approvisionnement. On espérait alors que ces atténuations se reflètent sur le prix des biens dans les prochains mois.

Les goulots d'étranglement des matières premières affectent les industries en amont de la chaîne de production avec des multiplicateurs plus importants et des effets de débordements internationaux. Les sanctions imposées à la Russie devraient donc perturber davantage l’approvisionnement de certains biens.

D’autre part, les limites à l’exportation vers la Russie pourraient aussi se rediriger vers d’autres marchés qui peinent à s’approvisionner. Les États-Unis et le Japon ont notamment déjà bloqué la livraison de puces électroniques alors que nombreux pays recherchent ardemment des semi-conducteurs depuis le début de la pandémie.

Pression exacerbée sur les prix, les banques centrales y répondront

Les ménages canadiens (et pas mal tous les ménages de pays développés) se heurtaient déjà à des augmentations de prix vertigineuses, à la pompe ou à l’épicerie. La hausse des cours du pétrole, des métaux et des produits agricoles n’apportera pas de répit si tôt.

La Banque du Canada, tout comme la Réserve fédérale américaine, était déjà sur le point d’entamer leur lutte contre l’inflation avant que le conflit ne prenne l’ampleur qu’on lui connaît aujourd’hui. Même s’il s’agit d’un nouvel élément à haute incertitude pour l’économie mondiale, les banques centrales pourraient être poussées à relever plus rapidement le taux directeur avant de mettre sur pause leurs cycles de resserrement.

L’inflation et les hausses de taux qui l’accompagneront se refléteront indubitablement dans le portefeuille des consommateurs qui ajusteront leurs postes de dépense en conséquence – autrement dit, la consommation sera inférieure à ce qui était attendu avant le conflit.

Nouveaux arrivants et boom d’immigration

Un autre élément qui pourrait mitiger l’impact du conflit sur l’activité économique du Canada  est l’afflux d’immigrants et de réfugiés que le pays est prêt à accueillir. La diaspora ukrainienne du Canada est la seconde en importance dans le monde derrière la Russie, ce qui devrait favoriser l’intégration des nouveaux arrivants.

Le gouvernement canadien s'est engagé à faciliter les procédures pour les immigrants et les réfugiés d'Ukraine. L’immigration est le moteur de la croissance démographique au Canada et représente donc une source importante de talent. Il s’agirait d’un avantage pour les entreprises dans le contexte actuel de pénurie de main-d’œuvre.

L’impact pour votre entreprise:

  • Une économie ouverte de taille moyenne comme le Canada dépend de la bonne tenue des échanges internationaux et du climat géopolitique. Le déclenchement de la guerre en Ukraine et les sanctions économiques et financières contre la Russie constituent une source d’incertitude importante pour la croissance mondiale. L'impact sur le PIB du Canada sera toutefois mitigé par la montée en flèche des besoins d'exportation des produits de base canadiens.
  • Les sanctions commerciales imposées à la Russie se refléteront au Canada essentiellement par une accélération de l’inflation accompagnée de taux d’intérêt plus élevés, qui ensemble diminueront le pouvoir d’achat des consommateurs canadiens. La demande et la consommation canadiennes continueront de croître par rapport à 2021, mais à un rythme plus lent que prévu initialement.
  • Plus la guerre en Ukraine se prolonge, plus on peut s'attendre à ce que des migrants Ukrainiens arrivent au Canada et contribuent à la main-d'œuvre du pays.
Perspectives Canada

Les nouveaux risques mondiaux exigeront la résilience de l'économie canadienne

Omicron n’a pas empêché l’économie canadienne d’amorcer l’année sur le bon pied, selon les premiers estimés de Statistique Canada, mais voilà que la guerre en Ukraine pourrait diminuer l’ampleur du rebond attendu après les allégements sanitaires.

Une fin d’année inespérée

Le Canada semble finalement avoir appris à vivre avec le virus. À preuve: l'économie a augmenté à un taux annualisé de 6,7 % au cours du quatrième trimestre de 2021, la meilleure performance trimestrielle de l’année. Ce rendement, qui portait ainsi à 4,6 % l’augmentation du PIB l’an dernier, s’est avéré bien supérieur aux prévisions de la Banque du Canada.

Sans surprise, l’activité économique a été stimulée par d’importantes dépenses de consommation des ménages et des investissements résidentiels records. L’investissement des entreprises s’est montré un peu timide face à l’incertitude économique et l’évolution de la pandémie, alors qu’elles ont préféré regarnir leurs inventaires.

Évidemment, les mesures gouvernementales extraordinaires pour affronter les différentes vagues du virus se sont reflétées dans les dépenses publiques qui auront également contribué fortement à la croissance en 2021.

L’élan de fin d’année se serait poursuivi en janvier 2022, selon Statistique Canada qui estime que la croissance se chiffrerait à 0,2 % en janvier après avoir fait du surplace en décembre. Et ce, en dépit des restrictions sanitaires imposées par Omicron. Il importe tout de même de noter que les entreprises en contact direct avec les clients auront connu des premiers mois d’hiver plus difficiles.

L’investissement sera critique pour la croissance en 2022

Derrière la solide performance de l’économie au dernier trimestre, se cache toutefois un nouveau recul de la productivité. Effectivement, l’augmentation des heures travaillées aura encore une fois été plus rapide que la croissance de la production au pays. Ce phénomène a été observé même si les restrictions sanitaires entre le troisième et le quatrième trimestre étaient similaires.

Le déclin de la productivité du travail au pays reflète probablement une certaine fatigue des travailleurs face à la pandémie et aux restrictions qui s’y rattachent. Néanmoins, ce ralentissement de la productivité du travail met en lumière un enjeu clé pour les perspectives économiques.

Comme souligné plus haut, la reprise économique a jusqu’ici été soutenue largement par les dépenses de consommation des ménages et le marché résidentiel. C’est donc la demande qui stimule l’activité économique au pays. Cette croissance, bien qu’il faille s’en réjouir, est à saveur inflationniste et se répercute ainsi sur les prix car la demande se heurte à une capacité de production saturée.

L’investissement privé (et public) est plus que jamais nécessaire afin d’assurer une croissance économique davantage équilibrée et donc moins inflationniste.

Heureusement, l’investissement privé devrait retrouver cette année son niveau de 2019. Les dépenses prévues en machinerie et matériel poursuivront au même rythme de croissance qu’en 2021 – soit 6,4 %, alors que les dépenses en construction devraient augmenter de 8,9 % en 2022.

C’est donc plus de 180 milliards de dollars qui seront investis dans l’économie canadienne par les entreprises privées. L’incertitude provoquée par la guerre en Ukraine pourrait toutefois miner ces perspectives.

L’emploi rebondit fortement après Omicron

Les pertes d’emplois de janvier (-200 000), bien que très importantes, ont été rapidement regagnées en février avec la création de 336 600 emplois – une hausse largement attribuable encore une fois aux allègements sanitaires.

Des gains significatifs ont été enregistrés dans les industries les plus vulnérables aux restrictions sanitaires: service d’hébergement et de restauration (+114 000) et l’industrie de l’information, de la culture et des loisirs (+73 000).

Le portrait général de l’emploi au Canada reste très positif malgré le revers dû à Omicron. Le taux de chômage approche son plus bas niveau historique de 5,4 %, se situant à peine 0,1 point au-dessus. En février 2022 il y avait 370 000 salariés de plus qu’avant le début de la pandémie au pays il y a exactement deux ans. La vitesse de récupération du marché de l’emploi, malgré les différentes vagues, explique en grande partie la solide performance de l’économie canadienne pendant la pandémie.

Entre inflation et taux d’intérêt, la consommation sera mise à l’épreuve

Le revenu disponible des ménages a baissé pour un second trimestre consécutif à la fin de 2021 et aura entraîné le taux d’épargne dans sa chute. Les différentes mesures de soutien gouvernementales n’étant plus autant nécessaires, les finances des ménages se normalisent. Ces derniers continueront à soutenir la croissance dans les prochains mois, alors que plusieurs indicateurs demeurent à ce jour supérieurs au niveau de 2019, mais des vents contraires se lèvent à l’horizon.

Comme prévu, la Banque du Canada a procédé à un premier relèvement de son taux directeur de 25 points de base au début du mois. Il s’agissait de la première mesure mise en place pour contrer l’inflation galopante au pays, mais certainement pas la dernière. Davantage de hausses de taux sont à prévoir dans les prochains mois ainsi que le début du resserrement quantitatif par la Banque centrale afin de limiter davantage les niveaux de liquidité.

Cette première hausse s’est déjà reflétée sur certaines composantes, comme les taux hypothécaires variables, mais il faut habituellement attendre de 18 à 24 mois avant qu’un ajustement au taux directeur se propage pleinement dans l’économie.

La guerre en Ukraine vient également mitiger un peu plus l’efficacité de la politique monétaire à répondre aux différentes hausses de prix vertigineuses actuelles qui devraient se poursuivre dans les prochains mois (pour plus de détails, consultez l’article principal de mois).

L’impact pour votre entreprise

  • Même si de nouveaux vents contraires se lèvent – incluant ceux provoqués par la guerre en Ukraine – on s’attend à ce que l’économie canadienne continue de faire preuve d’une grande résilience face aux risques et de prospérer.
  • Les problèmes liés aux chaînes d'approvisionnement mettront plus de temps à se rétablir. Les pénuries potentielles de nombreux produits de base qui proviennent généralement de Russie compliqueront encore la situation déjà difficile dans le monde entier. Les entreprises canadiennes doivent également s'attendre à des prix plus élevés et à des délais de livraison plus longs.
  • La consommation devrait continuer à augmenter à un bon rythme néanmoins, plus faible que ce qui était prévu avant la guerre en Ukraine.
  • Malgré une première hausse de taux d’intérêt, ces derniers demeurent historiquement très faibles. La bonne performance du marché du travail et la situation financière toujours enviable des ménages continueront à soutenir l’activité économique.
Perspectives États-Unis

L’économie américaine immunisée à la COVID, mais qu'en est-il de la guerre?

Les États-Unis ont appris à vivre avec le virus alors qu’Omicron faisait rage. À preuve: l’économie américaine a commencé l’année du bon pied alors que plusieurs indicateurs se sont améliorés en janvier.

La performance de l’économie américaine en ce début d’année devrait lui assurer un petit coussin pour affronter les risques qui se pointent à l’horizon, dont ceux apportés par la guerre en Ukraine. L’emploi a progressé de près de 700 000 en février et a enregistré des révisions à la hausse des derniers mois. Le taux de chômage a chuté à 3,8 %, soit un maigre trois dixième de points au-dessus du plancher prépandémique.

La solide performance du marché du travail américain a continué à soutenir la consommation au début de l’année. Les dépenses des consommateurs en janvier ont plus que contrebalancé les pertes de décembre avec une croissance de 1,5 % en terme réel, c’est-à-dire net de l’inflation. Ces gains sont notamment attribuables à l’achat de véhicules.

Des pénuries atténuées, malgré Omicron

Les ports continuent à se désengorger tranquillement et les manufacturiers rapportent des baisses notables des indices de délais de livraison par rapport au sommet atteint l’été dernier. Les arrérages des commandes en attente suggèrent également une diminution des tensions sur les chaînes d’approvisionnement.

Ces améliorations ne signifient pas que les problèmes de pénuries aux États-Unis sont choses du passé ou que l’offre a augmenté significativement, car les indicateurs demeurent tous encore bien au-delà de leurs niveaux prépandémiques. De nouvelles améliorations sont également peu probables à l'heure actuelle, compte tenu des récentes turbulences du commerce international.

Du côté de la demande, nous n'avons pas encore vu de signes de normalisation des dépenses en biens durables. Compte tenu de l'ampleur de la demande de ces biens pendant la pandémie et de l'impact ultérieur sur les chaînes d'approvisionnement, de nouvelles augmentations des biens durables risquent d'accentuer la pression sur des prix déjà très élevés.

Pour le marché automobile, l’importation de semi-conducteurs n’a jamais été aussi élevée au pays, mais la production peine malgré tout à reprendre.

Le conflit en Ukraine a commencé à ralentir la production européenne de voitures et certains s’inquiètent de son impact sur les chaînes d’approvisionnement américaines. Puisque les constructeurs automobiles aux États-Unis s’approvisionnent en pièce au Canada et au Mexique, tout en utilisant des composants asiatiques et d’Amérique latine, la production américaine est beaucoup moins vulnérable.

Prix du pétrole: Pas de répit pour l’inflation américaine

Même si les prix du brut ont rejoint ceux qui prévalaient en 2008, le profil énergétique de l’économie américaine a changé depuis. La production de pétrole a en effet bondi aux États-Unis, réduisant ainsi sa dépendance au marché énergétique international. La part qu’occupe le secteur énergétique pour le S&P500 a aussi diminué considérablement (à 4% depuis). L’impact des hausses de prix et des corrections qui s’en suivront éventuellement devrait donc être circonscrit à l’inflation.

Les Américains étaient aux prises avec des hausses de prix record avant même que les Russes déclenchent la guerre en Ukraine, ce qui aura amené les prix du brut et autres commodités à s’enflammer. La forte hausse des prix de l'essence était déjà responsable d'une grande partie de la dernière poussée d'inflation aux États-Unis.

Voilà que le prix à la pompe devrait atteindre entre 4,50 à 6,00 dollars américains le gallon selon la région. Évidemment, le pouvoir d’achat des Américains diminuera un peu plus que ce qui était déjà anticipé au début de l’année.

Les prix auxquels font face nos voisins du sud minent la confiance des consommateurs. Malgré l’importance de la baisse de nouveaux cas de COVID-19, la confiance s’est détériorée davantage en février pour atteindre un niveau rarement vu sauf en périodes de récession.

Ainsi, les craintes d’inflation semblent l’emporter sur la solide performance de l’économie et du marché du travail. La guerre en Ukraine, les prix du pétrole et la volatilité du marché boursier ne devraient pas améliorer la situation en mars non plus.

La Fed hausse son taux, mais restera prudente

Avec l’inflation qui fracasse des records ces derniers mois et l’emploi qui continue son élan postpandémique, le président de la Réserve fédérale a penché en faveur d’une hausse de 25 points. Jerome Powell a tout de même souligné que, malgré les implications économiques hautement incertaines de la guerre en Ukraine, la politique monétaire se resserra davantage cette année mais sera ajustée avec beaucoup de prudence.

L’impact pour votre entreprise

  • La croissance se poursuivra aux États-Unis alors que plusieurs indicateurs économiques de base ont bien entamé l’année. On s’attendait déjà à ce que la croissance se tempère en 2022 par rapport à l’an dernier. L’inflation galopante sera désormais alimentée par la montée des prix du brut découlant du conflit en Ukraine qui pourrait aussi ralentir l’amélioration des conditions d’approvisionnement. L’impact devrait toutefois être modéré sur les États-Unis.
  • La bonne performance du marché du travail a amené la Fed à relever son taux directeur, en mars, de 25 points de base pour contrer l’inflation. Les hausses de taux qui suivront seront jumelées à une inflation qui dépassera la cible de 2 % pendant encore plusieurs mois à cause du conflit, ce qui ralentira la demande pour certains biens.
  • Le huard s’affaiblit alors que l’incertitude attise la demande pour la valeur refuge favorite des investisseurs – le dollar américain. L’économie américaine repose toujours sur des bases solides. C’est l’occasion pour les exportateurs canadiens de tirer profit de son avantage concurrentiel face au billet vert.
Point sur le marché du pétrole

Jusqu’où monteront les prix du pétrole?

En quelques jours seulement, on est passé à se demander si les prix du marché du pétrole allaient atteindre 100$US le baril, puis à essayer de chiffrer de combien ils les dépasseront et pendant combien de temps.

Au moment d’écrire ces lignes, le prix des principaux indicateurs mondiaux se transigeaient à des sommets vus pour la dernière fois en juillet 2008 – le Brent à 139,13$US et le WTI à 130,50$US – avant de clore à 123,21 et 119,40 respectivement. Évidemment, ces augmentations se sont rapidement reflétées dans les prix à la pompe qui ont surpassé 2$ le litre à certains endroits au pays.

La raison derrière les augmentations fulgurantes observées sur le marché du brut est évidente: la guerre opposant l'Ukraine à la Russie.

Le géant pétrolier russe en chiffre

La Russie est le troisième pays producteur de pétrole en importance au monde, derrière les États-Unis et l’Arabie saoudite et le premier exportateur de pétrole.

En janvier 2022, la Russie produisait 10 millions de barils de brut par jour et 1,3 million d’autres produits pétroliers dérivés. Cette production représente plus de 10 % de la demande totale mondiale de pétrole, il n’est donc pas surprenant que la situation actuelle ébranle autant les marchés. Le risque d’une sérieuse rupture sur les marchés énergétiques est pris en compte dans les prix actuels.

Trop d’incertitude pousse la prime de risque encore plus haut

Les États-Unis ont interdit les importations de pétrole et de gaz naturel russes, mais la dépendance énergétique de l'Europe est trop importante pour qu'elle suive le mouvement, du moins à court terme.

Les importations américaines de produits pétroliers russes sont présentement d’environ 670 000 b/j, donc  une telle sanction ne devrait donc pas engendrer un déséquilibre important sur les marchés. Par contre, les sanctions et l’incertitude qui les accompagnent augmenteront encore davantage la prime de risque et se refléteront sur les marchés.

Certains acheteurs de pétrole boudent déjà la production russe et les producteurs présents en sol russe ont cessé leurs participations à l’exploitation. C’est le cas de BP, Shell et Exxon Mobil.

L’OPEP, un substitut au pétrole russe?

Le secrétaire général de l’OPEP, Mohammad Barkindo, a déclaré que la production du cartel ne pourrait pas contrebalancer un embargo de la production russe.

Rappelons que, bien que la Russie ne soit pas membre de l’organisation, celle-ci fait partie des alliés de l’OPEP inclus dans le groupe désigné OPEP+ et participe la plupart du temps aux différents accords d’ajustement de production pour influencer les prix.

L’organisation (incluant la Russie) a d’ailleurs statué qu’elle continuerait à réintégrer graduellement des barils sur le marché, à hauteur de 400 000 b/j supplémentaire chaque mois. La vitesse de reprise des activités sur laquelle l’organisation s’est entendue en juillet dernier n’a pas changé depuis, même si les prix bruts ont augmenté de plus de 30 % (environ 40$US) depuis la conclusion de l’entente.

Certains fondent leur espoir sur la fin potentielle d’autres sanctions

Alors que les producteurs de schiste américains hésitent encore à augmenter leur volume, Washington évalue la possibilité de lever certaines sanctions déjà en place contre d’autres pays producteurs de pétrole, dont le Venezuela.

Pendant ce temps, les discussions de Vienne sur l’avenir d’un accord sur le nucléaire avec l’Iran ont repris. Un tel accord impliquerait la fin des sanctions américaines envers l’Iran et, par conséquent, la mise en marché de 1,3 million « nouveaux » barils par jour presque immédiatement.

Le volume de pétrole brut stocké sur les pétroliers autour de l’Iran aurait bondi de 30 millions de barils depuis décembre seulement. L’inventaire de brut iranien prêt à entrer sur le marché se chiffrerait ainsi à 103 millions de barils.

En bref...

La situation en Ukraine et les mesures imposées pour soutenir le pays dans sa lutte contre l’invasion russe évoluent d’heure en heure. Il en résulte une incertitude grandissante sur les marchés pétroliers qui prend la forme d’une prime de risque sur les prix.

Le Brent et le WTI ont tous deux atteint des sommets importants, et ce rapidement. La demande continue à se résorber alors que les effets de la pandémie sur la mobilité s’estompent un peu plus chaque jour aux quatre coins du globe. Celle-ci se heurtait déjà à une offre réduite avant même que le conflit opposant l’Ukraine à l'un des principaux producteurs pétroliers n’éclate. Les prix du brut devraient continuer à monter, mais plusieurs facteurs demeurent hautement incertains. Selon le scénario, les prix du brut culmineront quelque part entre 150$US et 200$US.

Bien que les prix du brut aient baissé sur les marchés ces derniers jours, le prix à la pompe reste élevé, car il s’adapte généralement plus rapidement aux hausses de prix qu'aux baisses.

Autres indicateurs économiques

Sans surprise, la Banque du Canada a relevé son taux directeur

Comme prévu, la Banque du Canada a relevé son taux directeur à 0,50 % le 2 mars dernier. Le Canada a réussi à résister à la dernière vague de COVID-19, mais en plus de l'évolution de la pandémie, le conflit en Ukraine est une nouvelle source importante d'incertitude économique mondiale, dont le principal effet se traduira par une inflation élevée. S'il s'agit de la première hausse de taux de la Banque du Canada depuis le début de la pandémie pour dompter la hausse des prix, ce n'est certainement pas la dernière.

Le huard perd un peu de terrain

Le dollar canadien a été revu à la baisse au cours du mois de février et au début du mois de mars. Après avoir atteint 0,79 $ US en janvier, au moment d'écrire ces lignes, le huard se situait à 0,78 $ US et devrait continuer à osciller autour de ce niveau au cours du mois. La guerre qui se déroule en Ukraine a ravivé l'aversion au risque des investisseurs et, avec elle, la demande pour des valeurs refuges comme le dollar américain. Les hausses importantes des prix de nombreuses matières premières, dont le pétrole, résultant du conflit, font que les termes de l'échange restent tout de même favorables au dollar canadien.

La confiance des entreprises a rebondi après Omicron

L'indice à long terme du Baromètre des affaires de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI) a rebondi à 62,5 en février, le niveau qu'il avait atteint en décembre juste avant qu'Omicron ne frappe le Canada. L'indice à long terme reflète les attentes des dirigeants de petites entreprises sur un horizon de 12 mois. De toute évidence, l'assouplissement des restrictions sanitaires un peu partout au pays au cours du mois de février explique ce regain d’optimisme. L'indice redescendra probablement le mois prochain en raison de la guerre en Ukraine et de l'incertitude qu'elle crée dans l'économie mondiale. Toutefois, il devrait rester au-dessus de la barre des 50, ce qui signifie que les entreprises qui s'attendent à faire mieux par rapport aux 12 derniers mois sont plus nombreuses que celles qui s’attendent du contraire.

Indicateurs clés: Canada