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Lire plusDe l'essor à la stagnation – Les dépenses et l’immobilier en eaux troubles
Le beau temps s’installe tranquillement au pays, et qui dit printemps, dit habituellement nouvel élan pour le marché immobilier. Mais, en ce printemps 2025, force est d’admettre que les attentes envers la reprise du marché résidentiel canadien se sont ravisées rapidement en raison de l'incertitude économique.
Le volume des ventes résidentielles a reculé de 20 % au pays par rapport à novembre 2025. Depuis le début de l’année, le nombre de transactions a diminué constamment chaque mois. L’investissement résidentiel représente environ 8 % du PIB canadien.
Les industries directement liées à ce marché, quant à elles, comptent pour 13 % de l’activité économique. Les tensions commerciales qui sévissent ont donc des effets bien concrets sur la demande intérieure du pays qui ne cesse de ralentir. Les ménages canadiens mettent leurs projets de déménagement sur pause.
Les taux n’aident toujours pas
Il y a à peine six mois, le marché résidentiel canadien reprenait de la vigueur, soutenu par les baisses de taux d’intérêt à répétition déclenchées par la Banque du Canada. Au cours de la dernière année, la banque centrale a abaissé son taux directeur de 225 points, le faisant passer de 5,0 % à 2,75 % à ce jour.
Cette baisse, favorable aux acheteurs, aurait donc dû insuffler un élan au marché de la revente.
Toutefois, le contexte économique aura eu raison du marché obligataire, ce qui maintient les taux hypothécaires encore élevés.
Les rendements obligataires varient selon divers facteurs économiques. Présentement, les investisseurs demandent des rendements plus élevés, obligeant les prêteurs à offrir des taux supérieurs pour les attirer. Les craintes que le conflit tarifaire ravive l’inflation maintiennent les rendements sur obligations plutôt élevés.
Les taux d’intérêt affichés par les grandes banques à charte demeurent donc plus coûteux pour certains produits, dont les hypothèques conventionnelles. Bien que plus faibles, les taux conventionnels de 3 ans et 5 ans ont seulement reculé de 35 et 45 points respectivement au cours des douze derniers mois.
Les efforts de la Banque du Canada pour contrôler l’inflation ont porté fruit. L’inflation mesurée par la variation annuelle des prix à la consommation oscille en effet dans la fourchette cible depuis plus d’un an. Cependant, c’est dans les postes budgétaires difficilement substituables que l’on retrouve encore de forts accroissements de prix sur un an. Les niveaux d’inflation liés au logement (+3,9 %) diminuent pour leur part lentement. Les consommateurs canadiens ont donc peu de marge de manœuvre puisqu’il est difficile d’économiser sur le loyer ou les paiements hypothécaires.
Le ralentissement s’étend au-delà de l’immobilier
Malgré le ralentissement du nombre de transactions, les prix sur le marché de la revente augmentent encore. Il y a toutefois des différences importantes entre les provinces. Les marchés de l’Ontario et de la Colombie-Britannique continuent à connaître des corrections de prix, mais ailleurs au pays, les prix moyens sont à des sommets. Ce qui continuera aussi à ralentir la demande pour les biens et services discrétionnaires alors que nombreuses hypothèques seront encore cette année renouvelées à des taux plus élevés.
Selon les sondages de BDC, En avril, près de la moitié de la population canadienne (47%) prévoyait diminuer ses dépenses au cours de la prochaine année, alors qu’une personne sur quatre s’inquiétait pour son emploi. Lorsque la confiance envers l’économie ou sa propre situation financière se détériore, les ménages ont tendance à ralentir le rythme de leurs dépenses et à repousser les achats importants (comme une maison). La raison principale de la réduction des dépenses demeure pourtant le coût de la vie.
Ces résultats suggèrent que, même si les tensions commerciales avec les États-Unis venaient à s’améliorer, les consommateurs resteraient timides. Toutefois, il importe de souligner que l’économie affichait une belle remontée au dernier trimestre de 2024 et a commencé 2025 sur des bases solides. On est encore loin d’un environnement économique plus stable, mais les consommateurs seront aptes à soutenir l’économie lorsque l’incertitude diminuera et la confiance s’améliorera. Le marché résidentiel pourrait même connaître une vague importante de demande refoulée, une fois le contexte économique plus stable.
Pour l’instant, les risques liés au commerce extérieur et les changements en matière d’immigration rendent les perspectives beaucoup plus incertaines. Nous prévoyons que l’activité économique sera modeste en 2025, alors que les consommateurs et le marché immobilier demeurent frileux.
Pourquoi est-ce important pour les entrepreneurs ?
- Une attention particulière à ce marché permet aux entrepreneurs de mieux comprendre les tendances économiques et de planifier en conséquence. Un marché immobilier au ralenti peut avoir un impact significatif sur l'économie réelle. Au Canada, le marché immobilier a un effet de richesse plus prononcé sur l'économie que le marché boursier.
- Les dépenses liées au logement affectent directement le pouvoir d'achat des consommateurs. Comprendre cette dynamique permet aux entreprises de mieux adapter leurs offres à leurs marchés.
- L’enjeu d’abordabilité pèse lourdement sur les dirigeants qui s'efforcent d'attirer et de retenir le personnel nécessaire à leurs opérations. Apprenez comment assurer la survie et la prospérité de votre entreprise lorsque l’économie ne coopère pas.
Un début d’année sous le signe de la croissance et de défis
La croissance économique du Canada a reculé de 0,2 % en février par rapport à janvier.
Elle aurait toutefois repris de la vigueur en mars, avec un gain de 0,4 % selon les données préliminaires de Statistique Canada, ce qui compenserait le ralentissement enregistré en février et porterait la croissance au premier trimestre de 2025 à 1,9 %.
L’économie canadienne avait repris de l’élan à la fin de 2024, alors que les baisses successives de taux d’intérêt agissaient enfin sur l’économie et encourageaient une reprise de l’investissement résidentiel et de la consommation des ménages. Les premiers trois mois de l’année auront connu une croissance en dents de scie – évoluant essentiellement au rythme des annonces sur les tarifs et de l’incertitude économique qui en a découlé.
La croissance du PIB réel au Canada aura donc détonné de celle de l’économie américaine qui a enregistré un recul de 0,3 % de son PIB durant cette période.
La baisse s'explique entièrement par une augmentation des importations avant l'entrée en vigueur des droits de douane. La consommation et l'investissement des entreprises sont restés de solides contributeurs à la croissance, ce qui signifie que l'économie américaine continue de rouler sur des bases solides.
Les exportations sont encore fortes
D’ailleurs, le commerce international canadien aura connu une grande variation au début de 2025. Entreprises et clients américains ont probablement voulu faire le plein de marchandises, avant l’avènement des tarifs, résultant en une montée fulgurante des exportations canadiennes de biens en janvier et février avant de se rabaisser à un niveau plus près des normes historiques en mars.
La devise canadienne a aussi commencé à remonter au même moment, mais elle demeure toujours favorable aux exportations américaines alors qu’elle s’est maintenue sous les 72 cents américains pendant tout le trimestre.
La majorité des tarifs entre le Canada et les États-Unis ont été appliqués depuis la mi-mars seulement. L’économie canadienne pourrait donc ralentir davantage au deuxième trimestre de l’année, lorsque la demande américaine pour les produits d’ici se verra amputé de droits de douane, d’une devise plus forte et des inventaires américains bien garnis lors du trimestre précédent.
Augmentation des coûts avant même l’avènement des tarifs
La mondialisation vacillante continuera dans les prochains mois d'exercer une pression sur les coûts des entreprises qui pourraient, en bout de ligne, être refilés aux consommateurs. L’indice des prix de production, qui est reparti à la hausse au début de l’année, se rapproche ainsi du sommet atteint en 2022 – au pic de la plus récente crise inflationniste du pays.
Parmi les PME actives dans le commerce international, 68 % avaient déjà mis en place une stratégie d’approvisionnement pour améliorer leur résilience lors de la dernière crise, mais 79 % s’attendent à ce que cela occasionne une augmentation de leurs coûts.
À la fin du mois d’avril, les trois quarts des PME considéraient que les tensions commerciales et les tarifs avaient un impact négatif sur leurs ventes. L’impact est encore concentré dans les entreprises qui sont directement touchées par les tarifs contre le Canada et les mesures de rétorsion.
Le marché du travail se stabilise
Nonobstant le niveau d’incertitude élevé et des perspectives de croissance au ralenti, les entreprises semblent apprendre à vivre et s’adapter à ce nouveau contexte avec plus de tranquillité.
Même si la proportion des entreprises qui prévoient augmenter leurs investissements dans la prochaine année reste faible, par rapport aux normes historiques, ce ratio a augmenté légèrement entre janvier et avril.
La reprise de l’emploi, en mars, est un autre signe démontrant que les entreprises délaissent tranquillement le mode de latence qui s’est installé cet hiver. Plus de 7 000 emplois ont été créés au pays, ce qui est toutefois trop peu pour compenser les pertes de mars.
La proportion de travailleurs licenciés tend à augmenter en période de ralentissement ou de perturbation économiques. Parmi les personnes qui avaient un emploi en mars 2025, 0,7 % étaient devenues chômeuses en avril à la suite d'un licenciement. Une proportion similaire par rapport à la même période en 2024. Le marché du travail s’assouplit quand même, ce qui n’est pas nécessairement négatif pour les chefs d’entreprises, alors que la croissance des salaires continue à ralentir (+3,4 % en avril sur an) et pourrait ainsi aider à réduire les coûts des entreprises.
Une croissance désynchronisée pour les provinces de l’Atlantique
Nouveau-Brunswick
L'économie du Nouveau-Brunswick a bien résisté en 2024, malgré des taux d'intérêt élevés. La province a bénéficié de la vigueur des dépenses de consommation et du secteur manufacturier. Son économie, marquée par un marché de l’emploi solide, un faible endettement et des taux d’intérêt aujourd’hui plus bas, favorise l'augmentation des dépenses de consommation.
Toutefois, les tensions commerciales et la forte dépendance de la province à l'égard des États-Unis pèsent sur la confiance des consommateurs et des entreprises de la province. La situation actuelle limiterait les dépenses et les investissements des entreprises dans les mois à venir.
D'autre part, l’activité économique sera stimulée par les investissements non résidentiels du gouvernement. Le secteur public bénéficie d'une plus grande flexibilité fiscale que les autres provinces. Cela permet au gouvernement, si nécessaire, d'augmenter les dépenses sans imposer de contraintes supplémentaires à sa situation financière. Dans l'ensemble, l'économie devrait connaître une croissance modeste de 0,8 %.
Nouvelle-Écosse
L'économie de la Nouvelle-Écosse a ralenti en 2024, mais la croissance est restée solide grâce à une forte consommation, à l'investissement résidentiel et à la reprise du secteur manufacturier. Jusqu'à présent, l'incertitude entourant les relations commerciales entre le Canada et les États-Unis pèse sur la confiance des consommateurs, alors que 30 % d'entre eux prévoient dépenser moins cette année. Les ventes de logements ont baissé au premier trimestre, les ménages reconsidérant leurs achats importants. Sur le plan commercial, bien que les échanges avec les États-Unis soient faibles, la province est confrontée aux droits de douane de la Chine sur ses exportations de fruits de mer qui représentent environ 13 % de ses exportations totales. Les droits de douane chinois exerceront une pression sur les entreprises opérant dans ce secteur.
Du côté positif, le gouvernement a mis en place des mesures d’économie d’impôt qui soutiendront les ménages et les entreprises. Les investissements dans les infrastructures publiques et un projet énergétique potentiel d'un milliard de dollars stimuleront l'activité économique. La croissance devrait rester modeste cette année, avec un taux d'expansion de 0,9 %.
Île-du-Prince-Édouard
L'économie de l'Île-du-Prince-Édouard a commencé l'année 2025 sur des bases solides grâce à la forte croissance enregistrée en 2024. Cependant, la province est confrontée à des défis liés à des facteurs locaux : la croissance de la population devrait ralentir cette année et aucun projet important n'a été annoncé. L'incertitude s'accroît également dans la province, les États-Unis restant un partenaire commercial majeur d'une part, et la Chine imposant des droits de douane sur les fruits de mer d'autre part. Les baisses de taux atténueront l'impact de l'incertitude sur les consommateurs. Les projets d'investissement du gouvernement compenseront aussi en partie les effets de l'incertitude sur les entreprises. Dans l'ensemble, la croissance devrait ralentir, passant de 2,1 % en 2024 à 1,3 % cette année.
Terre-Neuve-et-Labrador
La province est de nouveau sur la bonne voie, depuis 2024, grâce à une augmentation des niveaux de production de pétrole. Avec la reprise de l'exploitation des gisements de White Rose, la production restera solide cette année et stimulera la croissance. Les ménages devraient continuer à dépenser : la baisse du taux de chômage et les réductions de taux favorisent une forte consommation.
Sur le plan commercial, les exportations de la province sont moins dépendantes des États-Unis : environ 40 % des marchandises sont expédiées vers l'Europe et 50 % vers les États-Unis. La diversification des partenaires commerciaux atténue la pression exercée par les tensions commerciales actuelles sur les consommateurs et les entreprises.
Par ailleurs, le ralentissement de la croissance démographique et l'absence de grands projets d'investissement limiteront les perspectives de croissance cette année. Néanmoins, la province devrait être en tête des provinces atlantiques alors que le PIB réel devrait augmenter de 1,5 % en 2025.
L'impact sur votre entreprise
- Évaluez vos finances, identifiez les problèmes et développez des stratégies de résilience.
- La situation tarifaire étant plus claire, il est possible de planifier des projets de croissance et des investissements afin de tirer parti de la baisse des coûts d'emprunt.