Développer une culture d’entreprise numérique

Ce couple prépare la relève de son entreprise en lui faisant prendre un virage numérique
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Quand elle et il ont acquis Fabelta en 1988, Sylvie et Michel Desroches ont transformé en profondeur l’entreprise de fabrication artisanale de fenêtres en aluminium.

Elle et il ont mis au point de nouveaux produits, adopté un mode de production industriel et développé la clientèle pour faire croître leur entreprise qui emploie aujourd’hui plus de 90 personnes.

Trente ans plus tard, alors que le couple prépare la relève, il veut donner une nouvelle impulsion à son entreprise, basée à Terrebonne en banlieue de Montréal, en lui faisant prendre un virage technologique.

Pour Sylvie Desroches, engager Fabelta dans une transformation numérique était une nécessité pour la rendre encore plus performante.

«Depuis longtemps, nous sommes axés sur les technologies, dit-elle. Nous avons implanté les premiers systèmes de gestion intégrés il y a 20 ans. Nos représentantes et représentants sont équipés d’un portable depuis plusieurs années. Aujourd’hui, la numérisation se fait à plus grande échelle.»

L’opération entraîne des changements dans l’ensemble des activités de l’entreprise, notamment du côté de l’installation.

«Nous sommes en train d'implanter un système pour que nos équipes d'installation de portes et fenêtres soient connectées à distance et en temps réel», explique Sylvie Desroches.

«Ce système permettra d'échanger de l'information plus rapidement. Par la suite, nous implanterons un outil pour la prise de mesures chez la cliente ou le client. Au lieu que les mesures soient notées sur papier puis transcrites une fois de retour au bureau, ce qui augmente le risque d’erreur, la personne pourra les entrer directement dans le système. Cela nous permettra de gagner en efficacité.»

Automatiser la production

Au-delà du virage numérique, Fabelta évalue aussi les possibilités d’automatisation et de robotisation de ses opérations de production.

Pour l’entreprise – une cliente de longue date de BDC ayant notamment obtenu du financement pour améliorer sa productivité –, cette autre transformation s’impose en grande partie en raison des difficultés de recrutement actuelles.

«Trouver du personnel n'est pas facile, des postes ne sont pas comblés à la production, constate Sylvie Desroches. Nous cherchons donc à éliminer les tâches sans valeur ajoutée. Cela nous permettra d’optimiser nos processus de production.»

Faire évoluer le personnel

Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, la réussite d’un projet de transformation numérique passe souvent par la capacité de l’entreprise à faire évoluer le personnel.

«Notre personnel est ouvert face à ces changements, affirme Sylvie Desroches. Ces outils sont là pour faciliter ses tâches. Nous fabriquons de très grandes fenêtres. Selon les commandes, il faut revoir l’organisation de l’usine. C’est le personnel qui décide de ces changements puisque c’est lui qui connaît le travail. Avec les nouveaux outils, ses tâches se spécialisent.»

De la formation et de l’accompagnement sont offerts pour briser les résistances quand elles se présentent.

En marche vers l’entreprise libérée

Parallèlement à sa transformation numérique, Fabelta a entrepris il y a 18 mois une démarche pour faire le saut vers l’entreprise libérée. Ce nouveau modèle d’organisation gagne du terrain partout dans le monde.

Dans une entreprise libérée, finie la hiérarchie. L’organisation se fonde sur l’autonomie du personnel et non sur le contrôle et la supervision des tâches. La prise de décisions se fait en équipe et ne repose donc plus sur les seules épaules des membres de la direction.

Michel et moi voulons nous retirer d’ici quelques années. Pour pouvoir le faire, il faut implanter de nouveaux processus dans l'organisation. Notre objectif, c’est de se rendre inutiles.

Le couple a annoncé récemment que ses deux fils, Éric, directeur au développement des affaires, et Simon, à la direction des installations, prendront la relève de l’entreprise dans quelques années.

Une gestion par comités

L’entreprise libérée change radicalement les pratiques organisationnelles. Chez Fabelta, la gestion se fait dorénavant par comités.

«Nous avons 21 comités dans l’entreprise. Chacun doit avoir une raison d'être, des objectifs à atteindre. Les membres du personnel en font partie parce qu’elles et ils sont en lien avec leur emploi. Elles et ils peuvent aussi lever la main pour participer à un comité selon leur intérêt, mais doivent cependant préciser ce qu'elles et ils pensent pouvoir apporter et être en mesure de s’engager.»

Comité d'amélioration du service après-vente, comité d'automatisation de la production, comité des budgets, comité de gestion des TI au quotidien, comité de gestion des TI pour le futur… C’est là que se prennent maintenant les décisions chez Fabelta.

«Les rencontres trimestrielles ont été remplacées par des réunions hebdomadaires. Elles permettent de régler les problèmes dès qu’ils surviennent. La personne qui soulève un problème doit aussi apporter des solutions», précise Sylvie Desroches.

Développer la prise d’initiatives chez le personnel

L'implantation bouscule les façons de faire et se fait donc par étape. Après la production, c’est le service des ventes qui entame sa transformation.

Développer la prise d’initiatives chez son personnel n’est pas forcément simple. C’est une chose de l’inciter à prendre des décisions, c’en est une autre de faire en sorte qu’il les assume.

«Certains membres du personnel ont plus de difficulté. Elles et ils se demandent si elles et ils ont le droit de prendre certaines décisions. Elle et ils veulent aussi avoir la certitude de prendre la bonne. Il s'agit de leur faire prendre confiance en leurs capacités. Nous travaillons sur leurs forces pour qu’elles et ils deviennent encore meilleurs», explique Sylvie Desroches.

Laisser son ego de côté

Il n’y a pas que le personnel qui doit s’adapter au changement, la direction aussi.

L’ego doit être laissé de côté. «Il faut accepter que les gens n’aient pas la même vision des choses.»

«Ce n’est plus Michel et moi qui prenons toutes les décisions. Nous laissons beaucoup de place à l’équipe, ce qui n'est pas toujours facile», reconnaît-elle. D’où son choix de ne travailler que trois jours par semaine. «Il vaut parfois mieux que je ne sois pas dans l'entreprise, sinon je pourrais me mêler aux projets des autres.»