Comment diriger dans un contexte d’incertitude
L’imprévisibilité des tarifs douaniers américains a entravé les projets des propriétaires d’entreprise du Canada, en particulier dans les secteurs qui comptent depuis longtemps sur la stabilité du commerce transfrontalier. Comment fixer les prix, investir et planifier l’avenir dans ce contexte d’incertitude?
Un ralentissement économique potentiel augmente l’incertitude chez bien des propriétaires d’entreprise. Comment diriger sans connaître l’avenir?
En situation de stress, les entrepreneures et entrepreneurs prennent souvent de mauvaises habitudes: dévier du sujet, se remettre en question, remettre en question leur équipe, et faire de la microgestion. Il est naturel de vouloir prendre le contrôle.
Mais le succès vient rarement lorsqu’on essaie de tout faire soi-même. En fait, le contexte actuel pourrait être le meilleur moment pour faire le contraire: sortir de l’urgence et examiner attentivement la façon dont votre entreprise est gérée. Vous pourriez même trouver des occasions de faire croître votre entreprise et vous-même en tant que leader.
Les entreprises qui façonnent le marché créent de façon proactive leurs propres résultats, en cherchant constamment de nouvelles occasions et des perspectives inédites. Lorsque l’économie ralentit ou que les incertitudes augmentent, ce qui est inévitable, ces entreprises ont plus de chances non seulement de survivre, mais aussi de prospérer.
Glenn Yonemitsu
Directeur général, Entreprises à impact élevé
Subir ou agir: que ferez-vous?
J’ai travaillé de nombreuses années en redressement d’entreprises; j’ai aidé des entreprises en difficulté à faire face aux ralentissements. J’ai également travaillé pendant plus de 20 ans avec des entreprises à impact élevé, à déterminer ce qu’elles font habituellement pour réussir, en temps de crise comme en période plus heureuse.
Ces expériences m’ont permis de constater que la plupart des entreprises se divisent deux catégories: celles qui subissent le marché et celles qui façonnent le marché. Dans la première catégorie, les entreprises s’adaptent aux courants économiques en réagissant aux changements et en prenant ce que le marché leur offre, pour le meilleur ou pour le pire.
En revanche, les entreprises qui façonnent le marché créent de façon proactive leurs propres résultats, en cherchant constamment de nouvelles occasions et des perspectives inédites. Lorsque l’économie ralentit ou que les incertitudes augmentent, ce qui est inévitable, ces entreprises ont plus de chances non seulement de survivre, mais aussi de prospérer.
Comment passer d’une entreprise qui subit à une qui agit? Bien qu’il n’y ait pas de réponses faciles, les trois étapes ci-dessous peuvent vous mettre sur la bonne voie et vous donner des idées pour bâtir une entreprise plus résiliente.
1. Trier les problèmes et établir l’ordre de priorité
En période d’incertitude, le réflexe de la direction consiste souvent à essayer de tout régler par elle-même. Cela peut entraîner une perte de concentration et un manque de capacité pour les enjeux complexes.
Les propriétaires d’entreprise qui se trouvent dans cette situation peuvent tirer parti d’un concept utilisé dans les hôpitaux: le triage. Considérez votre entreprise comme un service des urgences. La patientèle arrive à tout moment, mais une attention immédiate n’est pas toujours immédiate. Un nez qui coule n’est pas une priorité aussi importante qu’une hémorragie interne.
Dans votre entreprise, les problèmes sont au triage. Vous pouvez définir chaque problème en fonction de sa complexité et de son degré d’urgence, et faire un «triage», soit déléguer les questions simples aux gestionnaires tout en réservant les plus complexes pour vous-même ou votre équipe de direction.
Le triage permet de s’assurer que la bonne personne gère le bon problème au bon moment avec les bonnes ressources.
2. Adopter un processus décisionnel
Le triage ne fonctionne que si vous pouvez déléguer des tâches en toute confiance. Il vous faut donc une équipe capable de prendre de bonnes décisions. Il faut également disposer d’un processus décisionnel clair et fiable pour votre équipe.
C’est surprenant, mais les propriétaires d’entreprise qui établissent un processus décisionnel pour leur équipe sont rares. Plusieurs e entrepreneures et entrepreneurs sont donc paralysés par l’indécision et l’attente, le tout étant exacerbé en période de grande incertitude.
Les entreprises qui agissent offrent un cadre décisionnel aux gestionnaires et leur enseignent comment l’utiliser. Lorsque vous responsabilisez votre équipe, quelque chose de remarquable se produit: votre capacité décisionnelle s’élargit en même temps que votre capacité à accorder du temps aux défis les plus importants, et vous déléguez le reste en toute confiance.
Un exemple de processus décisionnel est la boucle d’observation, d’orientation, de décision et d’action (OODA) élaborée par le colonel John Boyd de la U.S. Air Force. Il ne s’agit pas nécessairement de celui que vous devez mettre en œuvre dans votre entreprise, mais c’est un bon exemple.
Le processus décisionnel d’observation, d’orientation, de décision et d’action (OODA)
Le tableau ci-dessous présente les quatre étapes du processus OODA.
1. Observer
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2. Orienter
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4. Agir
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3. Décider
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Source: Une stratégie pour les pilotes de chasse développée par le colonel John Boyd, de l'armée de l'air américaine.
Pour prendre de bonnes décisions face à l’incertitude, assurez-vous d’obtenir constamment de nouvelles idées, informations, perspectives et opinions. Cela vous permet de mieux comprendre, d’avoir davantage d’options et de repérer les erreurs dans votre réflexion.
Si ce sont toujours les mêmes personnes qui vous aident à prendre des décisions, quel que soit le problème, vous ne vous exposez pas à de nouvelles informations et à de nouveaux points de vue.
Le stress peut changer votre approche
Une autre caractéristique de l’OODA est qu’il s’agit d’un processus, d’un cycle d’étapes évolutives et reproductibles. Cela vous permet de créer de la clarté, tout en réduisant le chaos et l’incertitude.
Cela vous aide à prendre des décisions, car cela vous permet d’observer, d’orienter, de décider et d’agir malgré le stress de la situation.
Beaucoup de propriétaires d’entreprise sont très efficaces pour gérer leur entreprise en temps normal, mais changent complètement d’approche en situation de stress.
Cela se produit en l’absence d’un système pour organiser leur réflexion et garder le cap. Cela entraîne des erreurs qui peuvent mettre l’entreprise en danger.
La prochaine fois que vous devrez prendre une décision, posez-vous les questions suivantes:
- Ai-je recueilli tous les renseignements nécessaires?
- Est-ce que je structure cette information en tenant compte de diverses perspectives et opinions sur ce que ces informations signifient?
Prenez ensuite des mesures et, une fois votre plan mis en œuvre, faites le suivi des résultats pour intégrer de nouvelles données à votre processus afin de pouvoir prendre la prochaine décision.
3. Actualiser votre plan stratégique
Mon troisième conseil est de mettre à jour votre plan stratégique. Portez une attention particulière aux mises à jour nécessaires à votre analyse FFOM (forces, faiblesses, opportunités et menaces) en raison de changements dans les tendances mondiales ou d’autres changements dans votre secteur.
Il est temps de dépasser l’inquiétude suscitée par les tarifs douaniers ou un éventuel ralentissement. Quantifiez les risques pour votre entreprise, puis mettez en place des stratégies d’atténuation des risques. Modélisez-les en créant des projections financières.
Par exemple, si vous vous demandez s’il faut réduire les prix pour compenser les tarifs douaniers, la modélisation peut vous montrer qu’il est préférable d’absorber une réduction des ventes, comme nous l’avons constaté lors d’un exercice intéressant de BDC portant sur un cas hypothétique (voir le tableau ci-dessous).
Scénario 1 | Scénario 2 | |
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Hypothèse | Réduction de -10 % du volume des ventes | -Réduction de -10% du prix de vente |
Effet sur la marge brute américaine | -3,5 % | -10 % |
Impact sur le chiffre d'affaires américain en $ US | -210 000 $ US | -600 000 $ US |
Impact sur les rentrées de fonds en $ CA | -172 500 $ | -546 000 $ |
Une réduction de 10 % du volume des ventes se traduirait par une réduction de 3,5 % de votre marge brute sur vos ventes aux États-Unis. En raison du taux de change, il en résulterait un déficit de 172 500 $ dans votre solde de trésorerie au Canada. Le tableau montre également que la réduction de 10 % des ventes aurait un impact beaucoup plus faible sur vos rentrées de fonds qu'une réduction de votre prix de vente, ce qui se traduirait par un impact de -546 000 $ sur les flux de trésorerie.
Préserver des liquidités
L’atténuation des risques n’est pas forcément dramatique. Elle doit surtout se concentrer sur la préservation du fonds de roulement. Les liquidités vous permettent non seulement de respecter vos obligations, mais aussi de saisir les occasions qui peuvent survenir en période difficile.
Il peut s’agir d’étapes simples, comme prendre des dispositions pour obtenir une augmentation de crédit avant d’en avoir absolument besoin. Vous pouvez également revoir les modalités de votre contrat. Par exemple, vous pourriez augmenter le montant du dépôt et des paiements progressifs que vous exigez de votre clientèle.
Ne vous contentez pas d’évaluer les risques. Penchez-vous également sur les occasions. L’environnement changeant a-t-il ouvert de nouveaux marchés potentiels? Selon le sondage du panel Points de vue BDC, 67 % des propriétaires d’entreprise ont remarqué que la clientèle s’intéresse davantage aux produits canadiens.
Autre fait intéressant: la proportion de propriétaires d’entreprise qui affirment que la demande en ventes est en hausse augmente, passant de 14 % à la mi-mars à 22 % à la mi-avril. La proportion de propriétaires d’entreprises qui affirment que la demande a diminué est en baisse, passant de 43 % à 35 %. Autrement dit, la situation économique semble s’améliorer pour beaucoup d’entreprises, ce qui pourrait leur ouvrir plus d’occasions.
Le leadership en période d’incertitude est en grande partie une question d’attitude
Les entreprises qui agissent ont tendance à veiller à ce que leur clientèle et leurs fournisseurs soient bien diversifiés. Si votre exposition au marché américain est trop grande, il est peut-être temps d’aborder cette question dans votre planification stratégique en trouvant de nouvelles occasions de croissance.
C’est là que la perspective devient un outil puissant. Les entreprises qui subissent voient ce que tout le monde voit. Celles qui agissent voient les choses différemment.
C’est en grande partie grâce à votre attitude en tant que leader. Si vous avez une attitude positive en période d’incertitude, cela influencera le reste de votre équipe. Si vous ne faites que vous concentrer sur les obstacles, les restrictions et les embûches auxquels vous faites face, vous ne verrez pas les occasions.
Avec la bonne attitude, on peut dépasser ces défis et y trouver des failles. Pour citer Leonard Cohen: «Il y a une fissure en toute chose. C’est par là que la lumière pénètre.»
Une bonne attitude vous aide, vous et votre équipe, à passer à l’étape de la recherche d’occasions. Elle peut parfois être difficile à atteindre. Voici huit techniques pour vous aider à adopter une attitude positive permettant de rester à l’affût des occasions.
8 techniques pour adopter une attitude positive en période d’incertitude
- Croire qu’il y a toujours une façon de s’en sortir
Si vous ne croyez pas qu’il y ait des occasions, personne d’autre ne le fera. Si vous pensez être condamnée ou condamné, vous le serez. - Faire preuve d’ouverture d’esprit
Il s’agit d’accepter de s’adapter à de nouvelles exigences et à de nouveaux besoins, de bien vouloir envisager toutes les options, même si vous avez déjà essayé quelque chose auparavant. Faites preuve d’ouverture aux remue-méninges et tirez parti des idées plutôt que de les dénigrer. - Prendre le contrôle de votre avenir
Plutôt que d’accepter votre situation, reprenez le contrôle et prenez votre situation en main. Si vous vous persuadez que vous maîtrisez la situation, vous pourrez assumer la responsabilité de votre avenir et maîtriser votre propre destin. - Connaître vos compétences de base
Sachez quelles sont vos véritables compétences. Considérez ces capacités comme des compétences transférables. Cela vous aidera à imaginer comment vous pouvez tirer parti de ces compétences dans une autre situation. - Réfléchir aux grands leviers qui ont changé dans le monde
Pensez aux répercussions des changements sur la chaîne d’approvisionnement, aux besoins et aux désirs de votre clientèle, aux évolutions des habitudes de travail et de vie de votre clientèle et, finalement, à la façon dont ces grands leviers ont eu une incidence sur votre éventail d’occasions. - Examiner la situation à partir de divers points de vue
Si vous examinez la situation du même point de vue que les autres, il y a de fortes chances que vous verrez la même chose. Si vous examinez la situation du point de vue de votre clientèle ou de vos fournisseurs, vous pourriez trouver quelque chose de différent, et peut-être une occasion. - Ne pas hésiter à aller à contre-courant
Si tout le monde va à droite, vous pouvez aller à gauche. Si tout le monde abandonne un produit ou un service, des occasions se présenteront peut-être aux personnes qui le gardent. Si vous voulez des résultats différents des autres, ne faites pas la même chose. - Faire preuve de courage
La récompense revient aux personnes qui acceptent de prendre des risques. La voie de la facilité offre rarement de bons rendements, car c’est ce que la majorité des gens choisissent.
En adoptant la bonne attitude, vous serez plus en mesure de projeter la confiance que votre équipe attend de vous, ce qui l’aidera à exceller et à prendre de bonnes décisions.
Investir dans votre équipe, vos processus et votre propre leadership vous aidera à bâtir une entreprise capable de penser sous pression. Les entreprises qui le font sont plus susceptibles non seulement de survivre à ce moment, mais aussi de tirer leur épingle du jeu.
BDC est là pour vous aider
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