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Modification des règles de minimis: quels effets sur votre entreprise?

Vous expédiez de la marchandise aux États-Unis? Vous vous demandez sûrement si les changements apportés aux règles de minimis auront des répercussions sur vos activités et vos coûts. Nous vous aidons à y voir plus clair.
Lecture de 8 minutes

Les règles de minimis constituent un seuil en dessous duquel les expéditions peuvent entrer dans un pays sans devoir acquitter de droits de douane, et avec un minimum de formalités administratives. Les modifications apportées à cette règle aux États-Unis entraînent une augmentation des coûts et des charges administratives pour les entreprises canadiennes. Les expéditions, qui étaient jusque-là relativement faciles pour les PME offrant leurs produits en ligne, sont désormais beaucoup plus complexes: de nouveaux frais et de nouvelles exigences de conformité se sont ajoutés.

Jean-François Laurin, consultant principal pour l’entreprise québécoise LGC Consultants en logistique et consultant du réseau de BDC, travaille de près avec plusieurs entreprises canadiennes touchées par ce changement réglementaire. Il affirme que ces changements perturbent les chaînes d'approvisionnement, les prix et les attentes de la clientèle.

Les nouvelles règles soulèvent beaucoup de questions: qui assumera les hausses de coûts, comment s’acquitter des formalités, faut-il changer de stratégie logistique? Jean-François Laurin nous fait part de ses conseils.

Quels sont les nouveaux frais de minimis? Quelles entreprises doivent les payer?

Avant août 2025, une entreprise qui expédiait des produits non réglementés d’une valeur de moins de 800 $ US du Canada vers les États-Unis était exemptée de droits de douane et de courtage. Désormais, tous les envois sont soumis à des frais de courtage en douane et peuvent être assujettis de droits de douane, selon la catégorie et le pays d’origine des produits.

Sur chaque envoi, l’entreprise peut s’attendre à payer:

  • des frais de courtage en douane (10 $ US à 25 $ US par commande, voire plus);
  • une redevance pour le traitement des marchandises (Merchandise Processing Fee) d’environ 32 $ US;
  • les droits de douane applicables, en fonction du code du Système harmonisé (code SH) et de l’origine du produit;
  • les surtaxes applicables à certaines importations, dont l’acier, l’aluminium, le cuivre, les automobiles et les pièces, et à de nombreux produits d’origine chinoise.

Jean-François Laurin explique que les entreprises les plus touchées sont donc celles qui vendent en ligne de gros volumes de produits de faible valeur et les fabricants ou les distributeurs qui envoient régulièrement des pièces de rechange, des consommables ou des articles sous garantie.

«Certaines entreprises doivent désormais payer 60 $ en frais de dédouanement sur des produits d’une valeur de 5 $», dit-il.

Les entreprises qui expédiaient pour plus de 800 $ US de marchandises avant l’entrée en vigueur des modifications seront probablement moins affectées, puisqu’elles n’étaient pas visées par les règles de minimis.

Quels sont les documents à remplir pour expédier des marchandises aux États-Unis?

Pour chaque envoi, il faut désormais fournir une facture complète et détaillée, sur laquelle doivent figurer:

  • le numéro de l’importateur officiel
  • le code SH
  • le pays d’origine
  • la valeur en douane

Pour les produits réglementés, comme les produits en acier, en aluminium ou en cuivre, il faut désormais également produire un certificat d’essai en usine (pour attester de leur composition et de leur origine) et une ventilation des coûts.

On pourrait penser que les produits fabriqués au Canada sont automatiquement exemptés de droits de douane, mais, en vertu de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM), il faut tout de même fournir une déclaration en bonne et due forme pour en attester la conformité. Autrement, des droits de douane de jusqu’à 35 % pourront s’appliquer. Les produits faits au Canada ne sont par ailleurs pas automatiquement exemptés de droits de douane, précise M. Laurin.

Par exemple, une veste cousue au Canada à partir de tissu importé d’Asie ne répond pas forcément aux critères de contenu d’origine et risque d’être frappée de droits de douane si elle est expédiée aux États-Unis.

Si vous devez payer 10 $ à 25 $ de frais de courtage, plus les surtaxes, sur une commande de 25 $, vous perdez systématiquement de l’argent. 

Faut-il répercuter la hausse des coûts sur la clientèle?

Jean-François Laurin estime que les entreprises n’auront probablement pas d’autre choix, dans la mesure où le total des nouveaux frais risque d’être supérieur à la valeur des produits.

«Si vous devez payer 10 $ à 25 $ de frais de courtage, plus les surtaxes, sur une commande de 25 $, vous perdez systématiquement de l’argent», explique-t-il.

Les entreprises ne pourront pas absorber ces coûts indéfiniment. Elles devront donc repenser leur stratégie de commercialisation aux États-Unis.

La seule façon de réduire les coûts, c’est de réduire le nombre d’opérations.

Comment survivre aux nouvelles règles de minimis?

Avec ces nouvelles règles, il sera désormais beaucoup plus difficile pour les entreprises canadiennes de commerce électronique de vendre aux États-Unis. Mais, pour celles que cela intéresse, voici quelques pistes à explorer.

Expédition en gros vers un entrepôt aux États-Unis

Cette stratégie, également appelée regroupement, est l’une des rares qui soient réellement viables, de l’avis de M. Laurin. «Il s’agit en gros d’expédier des palettes de marchandises de l’autre côté de la frontière, de s’acquitter des frais de courtage et des droits de douane sur la totalité du lot, puis d’expédier les commandes individuelles à partir d’un entrepôt ou d’un centre de distribution situé aux États-Unis».

La solution n’est toutefois pas aussi simple qu’on pourrait le croire; on ne peut pas simplement louer un entrepôt aux États-Unis, par exemple. La stratégie n’est pas non plus sans risque. Il y a deux pièges fréquents à éviter:

  • Premièrement, les produits non encore vendus ne peuvent pas être déclarés au prix coûtant (au coût de production). Pour le service américain des douanes et de la protection des frontières, la valeur en douane doit correspondre au prix effectivement payé ou payable lors de la vente aux fins d’exportation vers les États-Unis;
  • Deuxièmement, si un exportateur vend à une entité américaine à un prix de transfert (prix facturé à l’interne en cas de transfert de produits entre des entreprises liées), il doit démontrer que l’entreprise américaine n’est pas simplement une extension de la société canadienne et que le prix correspond à une opération conclue dans des conditions normales de concurrence. S’il ne peut pas prouver que l’entreprise américaine fonctionne de manière autonome, la vente ne sera pas considérée comme étant de bonne foi et le service américain des douanes et de la protection des frontières risque de ne pas accepter le prix à titre de valeur en douane.

Dans les deux cas, l’exportateur s’expose à des pénalités. «L’agence des douanes peut majorer rétroactivement les droits de douane, qui peuvent atteindre jusqu’à deux à quatre fois le montant habituel ou jusqu’à 20 % de la valeur des importations, dans le cas d’envois initialement exemptés», explique M. Laurin.

Certaines petites entreprises font affaire avec des fournisseurs de logistique de tierce partie situés près de la frontière, et capables d’assurer l’entreposage et le traitement des commandes à des tarifs raisonnables, moyennant des coûts d’expédition moins élevés.

Autres solutions

Si vous ne voulez pas déménager une partie de vos activités aux États-Unis, il y a d’autres solutions, rappelle Jean-François Laurin:

  • travailler avec une courtière ou un courtier en douane américain (le service est parfois offert par les grandes entreprises de livraison) pour calculer les droits de douane et éviter les erreurs de conformité;
  • vérifier que les produits sont associés au bon code SH pour éviter les mauvaises surprises;
  • faire affaire avec une courtière ou un courtier en douane canadien qui travaille avec des collègues américains;
  • Recourir à un logiciel de traitement des commandes ou confier les questions de conformité et les démarches administratives à des spécialistes en commerce.

Il rappelle toutefois qu’il n’y a pas de solution magique. «La seule façon de réduire les coûts, c’est de réduire le nombre d’opérations».

Quels avantages pour les entreprises canadiennes?

Dans la mesure où les nouvelles règles s’appliquent dans le monde entier, certaines entreprises canadiennes se demandent peut-être si faire preuve d’agilité leur donnera l’avantage sur la concurrence dans d’autres pays. 

Jean-François Laurin explique que, pour les entreprises canadiennes qui expédient essentiellement des articles de faible valeur (moins de 800 $ US), le principal avantage tient à l’exemption de droits de douane accordée en vertu de l’ACEUM, ce dont les concurrents issus de la plupart des autres pays ne bénéficient pas, puisque leurs produits sont soumis à des droits de douane réciproques. «Donc, à produit égal, l’article couvert par l’ACEUM sera 10 % à 15 % moins cher que celui d’origine étrangère, ce qui constitue un énorme atout pour les entreprises canadiennes». 

D’un autre côté, les entreprises canadiennes pourraient ressentir plus vivement les effets des nouvelles règles de minimis,, car elles dépendent davantage des ventes transfrontalières.

Les exportateurs dont la valeur des commandes est plus élevée ont toutefois des raisons de se réjouir: «si votre produit est conforme aux dispositions de l’ACEUM, vous n’avez pas de droits de douane à payer», rappelle le consultant. «Alors que d’autres pays doivent composer avec des droits de douane et des surtaxes plus élevés, les produits canadiens (à quelques exceptions près) profitent toujours de cet avantage». 

Cesser les envois aux États-Unis, une bonne idée?

Certaines entreprises commencent déjà à retirer leurs produits des sites Web américains ou cessent simplement de vendre aux États-Unis, observe Jean-François Laurin. Il suggère différentes avenues pour relancer les ventes:

  • se recentrer sur le Canada pour compenser le manque à gagner aux États-Unis;
  • travailler avec des chambres de commerce, avec les services publics de promotion du commerce ou avec des consultants pour trouver de nouvelles occasions;
  • chercher de nouveaux débouchés (en gardant à l’esprit que la concurrence est rude sur les marchés internationaux et qu’il est parfois plus difficile d’’expédier des produits vers ces pays que vers les États-Unis).

«Les États-Unis avaient ceci d’unique qu’il était facile d’y faire des affaires», explique l’expert. «Ailleurs, les formalités sont souvent plus contraignantes et il faut généralement s’assurer d’une présence locale. Les entreprises doivent donc bien réfléchir aux marchés où elles ont vraiment des chances de s’imposer».

Certaines entreprises ne comparent pas leurs factures de courtage en douane à leurs bons de commande et ne réalisent pas forcément qu’elles perdent de l’argent sur toutes leurs opérations aux États-Unis.

Quoi faire d’autre? 

Les entreprises canadiennes ont tout intérêt à ajuster rapidement leurs prix et leur stratégie logistique avant de se retrouver avec des retards d’expédition et des coûts en hausse, estime Jean-François Laurin. Certains produits sont déjà retenus en douanes et les contentieux peuvent coûter cher.

Les équipes des ventes et des finances doivent également se parler. Il importe de comparer les factures de courtage en douane aux bons de commande pour identifier les sources de pertes. «Certaines entreprises ne réalisent pas forcément qu’elles perdent de l’argent sur toutes leurs opérations aux États-Unis».

Enfin, il convient de rester au fait de l’actualité. Certaines des nouvelles surtaxes font l’objet de contestations judiciaires aux États-Unis et le paysage réglementaire pourrait encore changer au cours des prochains mois. En vous tenant au courant par l’intermédiaire des courtiers en douane, des chambres de commerce et des services publics de soutien aux entreprises, vous serez en mesure de vous adapter rapidement si les exigences devaient encore changer.

Prochaine étape

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